Quel est ton parcours, tes études ?
J’ai un parcours académique à l’Ecole du Louvre à Paris où j’ai reçu un enseignement théorique d’histoire de l’Art très complet
et dense.
Le surnom de l’école du Louvre c’est l’école du regard. Elle donne une vision du monde très large et riche. J’y ai étudié entre autres sujets l’histoire de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est et ça m’a fasciné.
A l’issue de l’école j’ai fait une maîtrise en multimédia et un DESS en communication.
Puis, à la fin de mes études, j’ai eu très envie de voyager en Inde où je suis partie avec une amie, et pour programme des visites de sites que j’avais étudiés à l’Ecole du Louvre et l’on ponctuait ces étapes culturelles par des visites de lieux naturels magnifiques. Et surprise, je découvre les merveilles de l’artisanat indien que je n’avais pas du tout étudié à l’école. Je découvre aussi la condition des femmes avec mes yeux de jeune femme européenne. Ce fut un peu un voyage sur la condition humaine, j’y ai ouvert mon esprit en découvrant une autre réalité, d’autres coutumes et façons de vivre. Et je me dis alors qu’un jour je ferais quelque chose avec des artisans…
En rentrant en France je commence à travailler dans le prêt à porter avec pour mission de développer commercialement des réseaux de marques en Europe.
Quelques années plus tard je suis retournée en Inde avec l’idée de démarrer mon projet mais sans trop savoir comment m’y prendre. J’ai cultivé mes connaissances par des lectures plus spécialisées, tout ça me faisait rêver.
Finalement j’ai créé Pays Superbe en arrivant à Marseille en 2019. J’avais la maturité, du temps, acquis des compétences en gestion, compris comment on crée une collection, comment on la présente. Et surtout, j’avais très envie de travailler à une échelle plus petite.
Quel est ton métier aujourd’hui ? Expliques-nous en quoi il consiste.
Je fais tout, je suis créative, DA, DAF, je prépare les collections, la com, le site marchand… Je suis entrepreneuse. Je suis Shiva !
Mon projet aujourd’hui s’appuie sur 4 démarches qui guident tous mes choix.
- Une démarche Responsable (travailler avec des ateliers qui garantissent une rémunération fixe aux artisans, un contrat de travail, une affiliation au système de santé, des horaires de travail normaux, pas de discrimination de genre, pas de travail d ‘enfant, des pauses…)
- Une démarche environnementale (eg : recyclage de l’eau des bains de rinçage pour la fixation des teintures dans un des ateliers, fixation par la chaleur dans l ‘autre, utilisation de matières naturelles (coton bio) , teintures certifiées azo-free, gots…
- Une démarche créative (je dessine mes propres motifs qui sont exclusifs et déposés).
- Une démarche de respect des savoir-faire et des traditions (l’art et la manière de faire certaines choses dans le respect de techniques traditionnelles qui se transmettent oralement et par la reproduction du geste à la main).
Quels différents médiums utilises-tu ?
Matières naturelles, coton pour le moment. Tout est imprimé à la main, avec la technique du block-print, Je souhaite aussi travailler la broderie et le tissage coloré. Même le garnissage de mes courtepointes est en coton.
Pour le moment je ne travaille pas les teintures végétales car il est difficile de recréer des coloris toujours identiques, ça se prêterait plutôt à des pièces uniques ou des petites séries. J’ai aussi développé une collection de bougeoirs en bois tournés et peints en France durant la période du covid. Bientôt il y aura d’autres objets en bois.
Pourquoi as-tu choisi de t’orienter vers ce métier ?
Ce que je veux vraiment c’est travailler avec des artisans quel que soit le pays où ils exercent. J’ai cette démarche d’aller là où les savoir-faire existent. L’Inde est un pays où certaines techniques de créations sont uniques et où l’on rencontre des artisans d’un très haut niveau de savoir-faire.
Au même titre si je faisais des produits en lin je m’adresserais à des fournisseurs français ou européens et le faisant teindre localement. Je cherche avant tout à valoriser le savoir-faire. C’est un peu se décentrer aussi.
Qu’est ce qui t’apporte le plus de satisfaction dans ton travail ?
Quand le motif que je viens de développer est prêt, que j’y crois. Et les messages d’encouragement que je reçois sans crier gare par mail ou sur Linkedin. C’est extrêmement gratifiant . On se donne beaucoup de mal pour créer quelque chose, on le vend et après il disparait et on ne sait pas ce qu’il devient. Donc quand je reçois un message d’une cliente qui me dit son bonheur, je suis très heureuse. c’est très agréable car on en sait un peu plus sur la vie du produit et cela humanise l’acte d’achat.
Qui sont tes clients ?
Des particuliers comme des architectes et décorateurs comme prescripteurs ou encore des boutiques de déco.
Quel est ton rapport à la décoration ? Soigner ton intérieur a-t-il de l’importance ?
C’est fondamental ! Cela a toujours été important, quand j’étais petite, très souvent je changeais la disposition des meubles dans ma chambre et aussi chez mes copines, dans ma famille. Je me suis toujours posée la question « quand on entre chez moi, quelle est la sensation que l’on ressent ? »
Je n’ai pas peur de changer la disposition des meubles, sinon on finit par ne plus voir les objets que l ‘on a sous les yeux, ils sortent du champ visuel en quelque sorte.
J’adore les intérieurs anglais, il y a dans ce style une excentricité et un goût pour la couleur qui me plaisent énormément. Au début de Pays Superbe je présentais la marque comme éclectique car j’aime tellement de choses différentes les unes des autres que c’est difficile de se cantonner à un style.
Quels sont tes objets fétiches ? Chez toi ou à l’atelier ?
J’ai deux mini statuettes indiennes : un petit bouddha et un Ganesh rapportés de mon premier voyage, ce sont des amulettes. Et un presse papier très coloré qui appartenait à ma grand-mère.
Comment vois-tu l’écologie et le développement durable dans l’habitat, la décoration ?
C’est une question complexe et aux réponses multiples !
Ce sont les choix que l’on fait dans son business et de consommation: le fait d’avoir conscience de ce que l’on achète en prenant en compte la durabilité d’un produit, les matières qui le composent et la façon dont ils est conçu. Je crois qu’un jour il y aura des étiquettes qui définiront l’empreinte écologique du produit. Ce serait bien.
Il faut de la transparence sur tout et avant tout sur l’intégralité des matières, les lieux et processus de fabrication. Ne pas faire croire que c’est Made In France alors que c’est la dernière modification substantielle du produit qui fait porter cette origine.
Cet étiquetage permettrait à tout le monde d’assumer ce qu’il fait et ne pas se cacher derrière des mots.
Certes tout le monde n’a pas les moyens d’acheter des produits chers mais il faudrait aussi prendre conscience que l’on n’a pas non plus les moyens d’acheter bon marché des produits qui sont mal faits et qui s’abimeront si vite qu’il faudra les remplacer encore et encore. Et d’investir une bonne fois pour toutes dans des objets durables choisis en conscience dont on ne se lassera pas.