Quelle est la genèse de votre entreprise?
Tout d’abord, nous sommes une entreprise familiale composée de nos deux enfants et de mon mari, exerçant le métier de matiériste depuis 18 ans. Pendant 12 ans nous étions applicateur de béton ciré, Marius Aurenti et Mercadier. En 2017, nous avons découvert la maladie de notre fille atteinte d’une sclérose en plaque. Ce fut le point de bascule pour changer notre façon de travailler et transiter vers des produits Habitat Sain. Nous respirons en premier lieu les produits que nous appliquons sur les chantiers et ensuite ce sont les habitants de ces lieux de vie qui les respirent également sur le long terme.
Ainsi, en 2017, nous avons opéré un virage à 360° vers l’habitat Sain, avec la problématique de trouver des fournisseurs offrants des produits sans risques pour la santé. C’est ainsi que nous avons découvert Oltremateria RCE, qui est l’alternative écologique au béton ciré. Par la suite en 2019, nous avons créé notre propre marque Hekko de peintures naturelles végétales, à base d’ huile de lin et nos enduits à la chaux. En ce qui concerne les teintes, nous avons mis au point notre propre pâte pigmentaire, qui nous permet de teinter toutes ces matières afin d’obtenir notre spécificité qu’est la continuité chromatique. Nous proposons une gamme de 3 000 couleurs, pour créer cette continuité de même teinte dans nos matières dont les vernis teintés, la peinture, les enduits à la chaux et le RCE et la peinture.
Et quel est votre métier aujourd’hui ?
Notre métier est celui de matiériste coloriste.
C’est-à-dire que nous venons sublimer la matière en la texturant, la colorant, en ajoutant parfois des agrégats, en faisant des patines.
Nous conseillons nos clients pour un habitat sain à travers un choix de textures, de matières, de couleurs, suivant l’esthétique finale qu’ils souhaitent grâce à des propositions d’échantillons. Et aussi par rapport au lieu et l’utilisation finale. On ne va pas mettre la même matière dans une douche, sur un plan de travail, au sol ou sur des murs. Nous avons une forte partie d’accompagnement à la préconisation.
Pour nous, la relation humaine est vraiment très importante.
Aujourd’hui nous travaillons avec 22 applicateurs dont 70% de femmes qui ont cette fibre de l’Habitat Sain car ils souhaitent aussi préserver leur propre santé dans leur métier au quotidien.
Ainsi en parallèle nous avons aussi une casquette métier de formateur afin de transmettre nos savoir-faire et notre expertise sur ces différents produits en termes de composition et d’application. Cela permet aussi de créer un lien humain très fort avec les équipes et ainsi de travailler sur les chantiers dans un synergie de compétences, de caractères, avec joie et respect.
C’est important de transmettre car je ne vais pas travailler sur les chantiers à genoux jusqu’à 70ans. La transmission passe aussi par l’intelligence émotionnelle, le savoir-être et la capacité des applicateurs à observer les gestes afin de progresser vers l’excellence et grandir dans leur métier par mimétisme des bonnes pratiques et leur propre parcours professionnel.
- Peux-tu m’en dire un peut plus sur vos différents produits ?
Nous proposons différentes matières :
- L’oltremateria, le RCE l’alternative écologique au béton ciré.
- Les peintures HEKKO naturelles à base d’huile de lin et de chanvre.
- Les enduits à la chaux HEKKO
- Une collection de papiers peints
- Une collection de carreaux de ciment en raccord (sans cuisson, et sans émanations nocives avec des pigments naturels)
Et tout ça dans un concept de continuité chromatique pour un habitat sain.
Nota bene:
L’ air intérieur est 8 à 10 fois plus pollué que l’ air extérieur.
Il existe trois sources de polluants de l’air et des surfaces
– les produits d’entretien ménagers
– les meubles, à cause des colles, des vernis et des solvants.
– les revêtement de sol et mur :
C’est à dire les tissus, les papiers peints, les peintures, les carrelages. Le carrelage n’est pas toxique en tant que tel mais les colles et les joints le sont fortement.
De même le parquet a beau être du bois, une matière naturelle, ils sont pleins de COV (Composants Organiques Volatiles), plus tous les traitements de surface qui sont appliqués ensuite (teinte, vernis..).
- Quelles sont les différentes échelles de vos projets et qui sont vos clients ?
Nous travaillons exclusivement avec les prescripteurs, c’est à dire agenceurs, architectes d’intérieur, designer ou scénographes. Notre valeur ajoutée est de les accompagner dans ces préconisations de matières pour un Habitat Sain.
Nous travaillons pour des projets résidentiels, de retail, l’hôtellerie ou encore des spas et même des yachts.
Par exemple, le RCE (alternative au béton ciré écologique), est notre couteau suisse, il peut s’appliquer sur tous les matériaux, comme un ancien carrelage, du marbre, du placo, de la pierre, de la brique, du verre, sauf sur le bois massif. Il évite ainsi d’avoir à démolir certains éléments architecturaux d’un lieu en les réhabilitant par exemple sans générer de nouveaux déchets. Un ancien plan de travail de cuisine, les porte de dressing, une crédence, un sol carrelé pourront être recouverts du RCE.
- Qu’est-ce qui t’apporte le plus de satisfaction dans ton travail ?
Je dirais la créativité, le toucher, la matière. L’acte de créer en lui-même me procure une grande joie. J’aime faire ressentir ces émotions, ces vibrations tout en racontant une histoire, en la partageant.
- Quel est ton rapport à la décoration ? Soigner ton intérieur a-t-il de l’importance ?
Mon rapport à la décoration est très lié aux couleurs, à l’émotion qu’elles vont générer et leur vibration qui permettent de se sentir bien. Un intérieur harmonieux est un intérieur pensé dans son ensemble de façon cohérente avec des objets, des textures, des matières, des couleurs qui répondent entre elles. Ce n’est pas parce que l’on aime différentes choses, qu’elles fonctionnent entre elles, sans même parler de goût ou de bon et mauvais goût.
- Quels sont tes objets fétiches, chez toi ou à l’atelier ?
Ma spatule et mes mains. Et aussi tout ce qui a trait au regard, m’émerveiller au quotidien est une de mes plus grandes sources d’énergie et d’émotion.
- Quels est ton rapport à la couleur ?
La couleur, c’est la vie. Ce sont des ondes donc une vibration que nous générons. Chacun a une couleur qui lui correspond, et ce n’est pas parce qu’une couleur match bien dans un habitat, qu’elle va matcher dans un autre. La couleur est du bien-être, c’est de l’apaisement, c’est du soin parce qu’elle peut aussi être liée à la maladie. Elles influent sur notre état émotionnel et la colorothérapie permet de soigner ou du moins d’atténuer entre autres les maladies mentales ou même apaiser dans les prisons (cf des prisons avec les cellules peintes en rose).
On exploite qu’une infime partie de la couleur et on ne se rend pas compte que nous y sommes baignés à longueur de journée dans la couleur, que ce soit la communication, nos vêtements, la nature, la déco, les magazines, les écrans. Tout est couleur, en fait. Et on ne se rend pas compte de l’impact qu’elles ont sur nos émotions et notre bien-être par voie de conséquence.
- Comment vois-tu l’écologie et le développement durable dans l’habitat et la décoration ?
En fait, l’écologie c’est comme le bio. Pour moi, ça ne veut plus rien dire quelque part. Pour nous, la démarche est de promouvoir un habitat sain. La notion de santé prime avec l’air que nous respirons dans nos lieux de vie que ce soit au bureau ou à la maison. D’autres voies pour soigner la planète peuvent passer par le réemploi de meubles, l’utilisation de matières et matériaux existants en les détournant d’autres aussi.
Il faut intégrer toutes les facettes de l’écologie pour être pertinent :
La notion de santé
La notion de déchet
La notion de production (matériaux, lieux, cycles de vie…)
On ne peut pas gagner sur toutes les batailles mais nous pouvons faire notre part de colibri.
Par exemple à notre échelle, nous avons travaillé nos étiquettes de marque en papier et non en plastique avec des encres noir et blanc pour qu’elles soient recyclables.
Pour revenir au RCE, l’intérêt de cette matière, est de pouvoir évoluer ; si dans trois ans, cinq ans, dix ans, vous avez envie de changer de couleur, on remet juste deux passes de vernis teinté et c’est tout. On ne refait pas les travaux en entier. Même le conditionnement est pensé de façon pérenne avec des seaux de 7 kilos, de 14 kilos. La pâte neutre reste dans le seau et ne se périme pas.
Je pense qu’il faut retenir le bon sens de nos anciens.
Pour bâtir, enduire, ils utilisaient les terres locales. Dans le Luberon, c’est particulièrement prégnant avec toutes ces ocres du Roussillon, tout comme en Italie. Ils construisaient avec les matériaux qu’ils trouvaient sur place, des pierres, des ardoises locales qui font c’est la richesse du patrimoine français et européens entre autres.
Après la guerre, il a fallu aller vite, consommer, consommer, rebâtir, reconstruire. Et c’est là qu’est intervenu la pétrochimie, le béton, pour avoir plus de rendement avec l’essor des technologies au fur et à mesure du XXs.
- Quel serait le projet de tes rêves?
Le projet de nos rêves, sur lequel nous travaillons aujourd’hui, est d’acheter une maison dans un environnement naturel préservé afin de développer notre concept d’Habitat Sain. Il y aura notre maison, l’atelier, le showroom, le centre de formation. L’idée est de tout regrouper sur place pour créer un lieu de vie, d’échange et de partage tout en vivant l’expérience de l’Habitat Sain à l’échelle humaine et pas uniquement avec des échantillons. Chaque visiteur sera invité à vivre l’expérience sensorielle par lui même dans un environnement apaisant.