Sébastien m’a reçue dans son atelier rhétais au fond d’une impasse pleine de charme. Derrière un grand portail, je découvre un cour charmante typique de l’ile de Ré.
C’est le genre d’atelier où l’on ne sait pas où poser les yeux, tellement il recèle de trésors, de mise en scènes, de trésors marins et d’objets chinés.
Nous avons beaucoup divagué, parlé de pratiques artistiques en tout genre, de chine, de l’île de Ré évidemment avant de rentrer dans le vif du sujet de l’interview.
Bien venu dans ce plongeon.
D’où vient ton nom ?
Ce que la mer nous laisse. C’est à la fois un hommage à la mère et la mer; un rapport de transmission. Un rapport à ce que l’océan rejette et nous offre de trésors à transformer de façon artistique. J’ai commencé à travailler pendant le 1er confinement autour de ces collectes faîtes sur la plage.
C’est à partir de cette première série que le nom est né et resté.
- Quel est ton parcours, tes études ?
J’ai eu mon bac, la vie scolaire n’était pas vraiment mon chemin. J’ai fait un certain nombre de jobs différents dont photographe pour un magazine en Autriche. J’ai aussi été agent immobilier puis, j’avais envie de me dégager du temps et je suis rentré à l’éducation national en tant que surveillant.
J’installais une grande table au fond de la classe et je dessinais pendant ces heures de permanence. C’est là que ma pratique du dessin est née. Alors que je n’avais jamais dessiné de ma vie. J’avais plus une pratique photographique auparavant, avec le travail de cyanotype.
Quand j’étais étudiant, j’occupais un squat d’artistes confié par la mairie de Paris, lieu de vie qui m’a permit d’ouvrir ma sensibilité à l’art. Il y avait beaucoup d’entraide. C’était des lieux de création pure, sans aucune pression de rendement ni financier ni en terme de production.
Et puis, il y a eu cette rencontre avec les documents maritimes qui ont scellé le socle de mon travail aujourd’hui.
- Quel est ton métier aujourd’hui ? Expliques-nous en quoi il consiste.
Je suis artiste plasticien, faiseur de choses. Je suis illustrateur, je fais de l’ornemental.
Je ne pars pas d’une feuille blanche mais de mon document, c’est le format de celui-ci qui va dicter quel animal marin/ forme je vais dessiner. Mon trait de dessin est organique, je travaille en monochromie.
- Quels différents médiums utilises-tu ?
Je travaille avec les archives d’une société de marine marchande rochelaise, Delmas Vieljeux. Elle a été la première à assurer des liaisons en bateau à vapeur entre l’ile de Ré, l’île d’Oléron et La Rochelle, c’est comme cela qu’ils ont fait fortune.
L’idée de la série est d’opposer la biodiversité avec la société de consommation car ce sont uniquement des documents de transport de marchandises. A La Rochelle c’était principalement de l’importation de bois exotiques et de l’exportation de céréales et de spiritueux.
Mon support de création papier sont les plans de cargaison des cargos. J’aime bien les choses qui ont une histoire donc je dessine essentiellement des animaux marins sur des archives.
J’ai des formats de toutes tailles et je peins à l’acrylique.
Soit, je dessine dessus directement soit, je les scannes, ce qui permet d’avoir plus de liberté dans les formats et de toucher un public plus large en termes de gamme de prix.
J’ai une collection de plus de 800 illustrations originales d’espèces marines, qui sont ma principale source d’inspiration, la base de mes dessins.
Je créé également des cabinets de curiosités dans des globes de mariée que je chine en recréant des paysages marins.
- Quelles sont les différentes échelles de tes projets ?
Plus le temps passe, plus j’essaye d’aller loin et de disperser mes tentacules. J’expose et reçoit à l’atelier ainsi que dans des galeries rhétaises et rochelaises. Maintenant je loue aussi mes expos, dans le but de monter des projets institutionnels pédagogiques ; montrer comment les marchandises voyagent, parler de biodiversité. Cette année, il y a 40 pièces qui sont exposées au grand aquarium de St Malo. Ce qui me permet de ne pas les vendre. C’est vrai que j’ai un rapport intime avec mes œuvres et qu’il m’est parfois difficile de m’en séparer.
A moyen terme, j’adorerais faire des expos dans des musées maritimes ou des Muséums d’Histoire Naturel. J’aime les lieux liés à l’art ou aux sciences.
- Qu’est ce qui t’apporte le plus de satisfaction dans ton travail ?
C’est la rencontre avec un document. Ensuite le rdv quotidien que j’ai avec lui avec l’avènement du trait de couleur qui se profile. Le dessin et l’expérimentation me procurent beaucoup de bonheur lors du processus créatif.
Mon inspiration vient principalement des illustrations anciennes, parfois d’un animal vu dans un film.. Au départ j’ai dessiné d’après nature en achetant les poissons chez le poissonnier, ce qui a eu ses limites.
- Qui sont tes clients ?
C’était principalement, des particuliers qui ont des résidences secondaires, quelques parisiens. Et aujourd’hui d’avantage des institutions dans le cadre de location de mes collections car j’ai décidé de ne plus vendre cette année pour constituer un fond de collection.
- Quel est ton rapport à la décoration ? Soigner ton intérieur a-t-il de l’importance ?
Je peux passer des heures à déplacer un objet. L’harmonie dans un lieux est très important pour moi. J’ai besoin de me créer un univers, qu’il soit propice à la création, comme une bulle.
Enfant je pouvais passer des heures à recréer des univers avec les Playmobil avant même de jouer. Je préfère vivre longtemps sans un meuble et le jour où je le trouve c’est un rendez-vous avec lui, rencontre. Après je le place, il raconte son histoire, sa patine ; sa vie précédente.
Aujourd’hui tout est tellement disponible partout, que j’aime avoir des objets presque uniques, chinés. Retrouver son propre reflet dans chaque objet. Un vrai attachement se fait avec l’objet, une nouvelle histoire s’écrit avec les souvenirs qui leurs sont associés.
J’ai hérité cela de mes parents, la transmission de ces valeurs ont fait grandir cela en moi.
- Quels sont tes objets fétiches ? Chez toi ou à l’atelier ?
Ce sont les objets simples que je trouve, collecte ; comme cette fiole ancienne sertie contenant des médicaments que j’ai trouvé sur la plage. Mes livres anciens aussi sont mes sources d’inspiration, j’aime les feuilleter car ils me requinquent.
- Comment vois-tu l’écologie et le développement durable dans l’habitat, la décoration ?
Si on récupérait tout ce qui a déjà été créé on pourrait créer 8 mondes.
Cela est vain de continuer de créer encore et encore, d’autant plus que les objets anciens étaient beaucoup plus beaux, issus du travail artisanal, nés de la main de l’homme. Chaque objet était une œuvre d’art.
Pour moi, narguer la société de consommation passe par le fait de faire vivre et revivre ses objets différemment avec ma sensibilité. Je suis partisan de la décroissance, d’utiliser ce qui a déjà été créé et de ne pas le jeter.
- Quel serait le projet de tes rêves ?
Je rêverais d’exposer dans des musées maritimes et des Muséums d’Histoire Naturelle.