- Quel est ton parcours, tes études ?
J’ai fait l’école Boulle après la 3e. Il s’agit de la formation métier d’art, en spécialité tournage d’art (FMA) que j’ai suivi pendant 3 ans, suivi d’un DMA (diplôme des métiers d’art) .
Le tournage a toujours été pour moi le moyen d’explorer d’autres matières ; ma pièce de diplôme alliait de l’ébénisterie, la laque, la corian, l’os…
Ma démarche a été de m’appuyer sur le fait d’avoir acquis un métier structurant, c’est-à-dire la maîtrise de l’assemblage, pour pouvoir explorer ensuite d’autres techniques complémentaires. En tournage on peut tourner tout type de matériaux, le champ des possibles est très vaste. Ce dont j’étais sûre était de vouloir travailler en atelier. Mes premières expériences ont été dans des entreprises de luminaires et aussi dans un FabLab ; Techshop les ateliers Leroy Merlin où j’étais dream consultant. Je conseillais pour accompagner les membres à développer des projets autour du métal avec l’usage de grosses machines.
Cette expérience a été un bon tremplin car j’aime énormément travailler sur des machines et cela m’a encore plus ouverte sur ma pratique pour ensuite monter ma propre structure.
- Quel est ton métier aujourd’hui ?
Pour ma structure, je suis une designer-artisane en auto-édition. D’un côté, il y a ma marque éponyme pour laquelle, je dessine et fabrique des objets d’intérieurs pour la maison, allant du bougeoir, au soliflore, au luminaire et je l’espère jusqu’au mobilier, un jour ! Mes créations sont vendues en direct ou par la galerie Anne Jacquemin Sablon.
De l’autre, il y a service de studio-atelier auprès des entreprises issus des arts décoratifs. L’atelier devient un lieu de recherche et conception autour des métaux non ferreux. Je met mon savoir-faire, mes compétences techniques et mon réseau au service de leur projet.
En parallèle, j’exerce le métier pour lequel j’ai été diplômé. Je suis tourneuse d’art à mi-temps au sein de l’entreprise Charles Paris.
- Quels différents médiums utilises-tu ?
Le métal est ma matière de prédilection et mon médium c’est la lumière, sa réflexion. Ce parti-pris a été la base de ma première collection nommé Astérie, ce qui veut dire en optique “ Étoile lumineuse observée par réflexion de la lumière .”Pour chacune de ces créations, il y a toujours un jeu de reflet et un écho entre la source lumineuse et le métal qui dialoguent ensemble.
- Quelles sont les différentes échelles de tes projets ?
Cela va du petit bougeoir de quelques centimètres à des luminaires de plus en plus grand jusqu’à 60 cm.
Je me libère de la contrainte de la taille, j’ai envie d’explorer des volumes plus importants voir imposants. Heureusement, je rencontre des projets en adéquation avec mes envies.
- Qui sont tes clients ?
C’est à la fois les galeries, les architectes pour les collections actuelles ou pour des projets sur-mesure puis les particuliers pour les commandes en direct. Ma clientèle se compose petit à petit.
Qu’est ce qui t’apporte le plus de satisfaction dans ton travail ?
J’adore quand je vois les gens s’émerveiller devant mes pièces. Lorsque l’acte d’achat se conclut, j’aime rencontrer la personne qui m’explique ce qui l’a touchée et pourquoi elle souhaite l’acquérir. J’adore voir la réponse que cela implique chez mes clients. Il y a une magie dans l’appropriation de mes créations par les autres. C’est le moment où j’ai le sourire pendant un mois.
- Quel est ton rapport à la décoration ? Soigner ton intérieur a-t-il de l’importance ?
A la maison, ma cuisine est très finie. Tout est vraiment choisi avec soin et conscience, je préfère attendre ou me passer de quelque chose si je ne trouve pas exactement ce que je souhaite. Par exemple, je déteste les poignées de portes coulissantes, je les ai donc créées moi-même. Il y a aussi une volonté d’optimiser qui passe chez nous par le mobilier sur mesure. On un mix d’ancien et de neuf et quasiment tout est fait sur mesure par nous-même.
- Quels sont tes objets fétiches ? Chez toi ou à l’atelier ?
A l’atelier j’ai énormément d’outils que j’affectionne. J’aime quand les outils sont très bien pensés.
Kopal est une marque d’outils à main dont je suis fan. et surtout les ébavureurs, qui crée des finitions de bords lisses dans le métal à la suite d’un perçage.
Mon objet le plus fétiche ensuite est mon pied à coulisse qui a une roulette pour une précision ultime. C’est vraiment l’outil dont je me sers le plus ainsi que le compas.
Si je n’avais pas mon pied à coulisse et mon ébavureur dans ma boîte à outils je me sentirais dépossédée.
- Quel est ton rapport à la couleur ?
Ah wahou !
Je pense qu’il est assez important et que j’y suis très sensible car la couleur me fait énormément de bien. Je vais avoir tendance à rechercher le beau, par exemple si je veux regarder un film, je choisirais le plus esthétique, celui où il y a un vrai travail sur la couleur. J’adore les films animés pour cela car il y a un travail plastique dingue. Par exemple le film animé de Van Gogh est sublime avec un shoot de couleur tout du long. Aussi, j’apprécie aussi beaucoup Ernest et Célestine avec des aquarelles incroyables.
Cette dose de couleur visuelle est un peu ma thérapie.
C’est coloré chez moi, la cuisine est verte, l’entrée est bleue, la chambre est rose. J’avais vraiment fait un choix très conscient des teintes de mon appartement et je ne m’en suis toujours pas lassée.
Les peintures de Soulage en monochrome noir sont l’exemple parfait que la couleur même sombre peut être extrêmement lumineuse.
- Comment vois-tu l’écologie et le développement durable dans l’habitat, la décoration ?
Dans ma pratique, le fait de produire peu est déjà en soi une démarche éco-responsable.
Aussi quand nous avons créé l’atelier (elle le partage avec d’autres artisans), nous avions beaucoup réfléchis à la collecte des copeaux et le défi a été de trouver un ferrailleur qui accepte les petites quantités pour le recyclage. Nous avons mis en place différents bac, pour l’acier, le laiton, l’aluminium ce qui sous-entend de nettoyer les machines entre chaque usage de métaux.
C’est vraiment plus par conviction que pour le gain financier car c’est vraiment des petites sommes, plus le fait de devoir se déplacer pour le faire recycler.
Aussi le métal ne casse pas ce qui par essence rend les objets pérennes.
J’ose espérer que la conscience écologique s’éveillera au plus grand nombre et que les gens aient plus de rapport émotionnel à leurs objets du quotidien et les conservent.
J’ai moi-même un rapport émotionnel très fort aux objets. Par exemple, on nous a transmis des verres à pied, avec la bordure ciselée, hérités de la famille de mon compagnon. Quand bien même on ne consomme pas d’alcool j’y tiens très précieusement.
- Quel serait le projet de tes rêves ?
Je ne sais pas, mais je pense que la vie me le réservera s’il le faut.
L’année dernière l’agence 2084 m’a contactée en me proposant une carte blanche pour créer une pièce. Au téléphone j’ai cru que c’était une blague ! Je n’ai jamais cru que cela arriverait.
Je pense que la vie est beaucoup plus imaginative que moi et c’était une des plus belles choses que j’ai pu faire en 2023. J’ai bien mis un mois à m’en remettre et au début j’appréhendais le syndrome de page blanche . Mais maintenant, je maîtrise tellement mes process de création qu’en réalité l’histoire autour de ce cube de 20×20 cm m’est venu très vite.
Cette carte blanche a été une merveilleuse expérience et une belle histoire.
J’espère que la vie me refera des surprises comme celle-ci.